L'histoire du Cognac
Tout ne fût pas si simple pour son altesse "Cognac". En effet, à tous les siècles, sans doute pour sa douceur de vivre, sa porte océane, seuil des Nouveaux Mondes, la richesse de ses terres, le pays Charentais fût souvent convoité et marqué par des guerres sanglantes qui touchèrent profondément le paysage.
Au cours de l'invasion par les Romains de la Gaulle, on assiste à la création du vignoble saintongeais. L'empereur Romain Probes étend à tous les gaulois le privilège d'avoir des vignes et de faire du vin. Ce règne durera 120 ans.
Nous assisterons au XIIème siècle à la constitution, sous l'impulsion de Guillaume X, Duc de Guyenne et Comte de Poitiers, d'un grand vignoble appelé Vignoble de Poitou. Au cours du XIIIème siècle, le vignoble de Poitou produisit des vins transportés par des navires hollandais venant chercher le sel de la côte. Grâce à ce commerce, naît dès le Moyen-Âge dans le bassin des Charentes, une mentalité propice aux échanges commerciaux.
Quelques décennies plus tard, Aliénor d'Aquitaine fait l'Aquitaine anglaise. La Charente devient alors le fleuve frontière. Difficile pour nous, puisque durant près de 130 ans, de 1327 à 1453, les Anglais et les Français se feront la guerre et dévasteront entièrement la région.
Prospère, puis ravagé par les guerres et les envahisseurs venant du sud comme du nord, au fil des siècles, le pays Charentais est devenu secret, soucieux de sauvegarder sa seule richesse : sa terre et son Cognac.
Dans la seconde moitié du XVIème siècle, les vaisseaux hollandais venaient chercher les vins renommés de "Champagne" et de "Borderies".
Le XVIIème siècle fut très important pour le devenir du Cognac. La situation allait brutalement s'aggraver durant ce siècle avec l'ouverture de la route des épices par la Cap de Bonne Espérance.
Acides et d'un degré alcoolique peu élevé, les vins charentais, trop légers, ne résistaient pas à un si long voyage. Dans le même temps, la clientèle nordique commença à préférer les vins de Bordeaux à ceux de la Charente plus fluets. Le commerce chuta.
C'est à cette époque, que les marchands hollandais l'utilisèrent pour alimenter leurs nouvelles distilleries. Ils le transformèrent en "Vin brûlé", le brandvin. Aux effets de désaffectation des marins, s'ajoutèrent les ravages des guerres de religions et l'énormité des taxes qui frappaient le vin.
En 1636, la détresse était si grande que les paysans de Saintonge et les Angoumois se sont révoltés contre le pouvoir royal. Ce fut donc par nécessité que les Charentais se mirent à brûler leur vin. Or, c'est justement à cette époque que la distillation voit le jour dans la région.
Vers 1650, les premières distillations apparaissent
Mais à l'époque, les distillations ne se faisaient qu'une seule fois. On ajoutait ensuite des essences de cassis, de thym,... pour cacher les défauts. C'est au cours de ce siècle, qu'apparaît la double distillation dans la région qui permet un long voyage sans altération aux eaux-de-vie.
C'est au tout début du XVIIème siècle, que les viticulteurs charentais distillèrent en deux fois. La méthode charentaise était née. A la fin du XVIIème, la clientèle des pays nordiques était tout acquise à la nouvelle boisson et le reste du monde ne tardera pas à suivre.
On découvrit très rapidement qu'à l'état non dilué, cette boisson était de meilleur goût. Avec les retards de chargement des bateaux, on s'aperçoit que l'eau-de-vie se bonifie en vieillissant dans les fûts de chêne et qu'elle peut se consommer pure. Suite à ces constatations, les Charentais s'organisent et pour répondre à la demande des affaires, le négoce est mis en place et de nombreux "comptoirs" voient le jour.
L'hiver 1709 détruisit une grande partie du vignoble. Mais les Charentais refusent de baisser les bras.
Après les premiers traités de commerce qui suivirent la paix en 1734, les ventes à l'étranger triplèrent. Les Anglais prirent peu à peu la place des Hollandais grâce au traité de 1786.
Vers 1830, les maisons de Cognac prirent l'habitude d'expédier le produit en bouteilles et non plus en fûts. Cette nouvelle présentation entraîne de nouvelles industries annexes : verreries, bouchons, imprimeries, tonnelleries...
Connaissant un rapide essor, le commerce du Cognac, fût souvent compromis, la France étant souvent isolée par la guerre et les barrières douanières.
Dans les années 1870-1871, la production connaît des sommets.En 1876, les deux Charentes comptaient 286 667 hectares de vignes (contre moins de 80 000 actuellement).
C'est vers 1875 qu'apparaît l'épidémie du Phylloxéra venue d'Amérique qui ravage la quasi-totalité du vignoble.
En effet, en 1893, le vignoble ne recouvre plus que 40 000 hectares. Sa reconstitution s'effectue lentement avec des plants américains. C'est vraissemblablement vers 1876, que l'on planta les premières vignes greffées avec des plants américains.
En 1895, plus de 12 000 hectares étaient replantés.
C'est à l'Exposition Universelle de Saint-Louis en 1904 et Bruxelles en 1905, qu'on aborde le monopole de l'appellation Cognac.
Lorsque les canons de la première guerre mondiale retentirent, seulement 1/16ème du vignoble avait été replanté. Les producteurs avaient fort à faire pour renouer avec leur prospérité d'antan malgré des réserves importantes.
A la suite, la période de la crise de 1929 apporte aussi son lot de difficultés. Le traité de Versailles protège le produit Charentais opposé au "Kognac" allemand, qui devient illégal.
La France impose ses droits d'exclusivité
Depuis ce traité, la France a pu imposer dans le monde entier ses droits d'exclusivité sur l'appellation Cognac.
Pour éviter les pillages et saccages du produit, les autorités d'occupation veillèrent donc à ce qu'un minimum d'activité et de débit soit préservé, et d'un commun accord, Fançais et Allemands créèrent le "Bureau de Répartition" devenu le B.N.I.C. (Bureau National Interprofessionnel du Cognac).
La fin des hostilités devait marquer le début d'une magnifique ère de prospérité pour cette noble boisson charentaise.
En 25 ans, de 1947 à 1972, le chiffre mondial des ventes se trouva quintuplé.
Depuis 1974, la région vit des crises et des périodes d'euphories et tente tant bien que mal d'appréhender ce début de XXIème siècle.
A l'heure actuelle, la distillation du Cognac, tous secteurs confondus, occupe quelques 50 000 personnes.